Après la réforme orthographique de 1990 soudainement réapparue des décennies plus tard qui a pelé les oignons en ognons et tailladé les nénuphars et nénufars, les Français se sont lancés dans une nouvelle bataille dans cette guerre civile de leur propre langue qu’ils mènent avec passion et acharnement. Des arguments amusants, fallacieux, capillotractés, décontenançant, l’écriture inclusive a fait naitre tout un tas d’avis sur le rôle de la femme moderne dans la grammaire française.
Écriture inclusive et son point maléfique
Mon petit grain de sel sur le sujet de l’écriture inclusive dont on a pourtant suffisamment ressassé les bénéfices et les torts ces quelques dernières années. Je trouve que le propre d’un texte est de communiquer un message et que le message est plus clair s’il est énoncé de manière concise et sans fioritures. Je préfère ainsi voir qu’il a été rédigé par « ce rédacteur talentueux » que par « ce/cette rédacteur(-trice) talentueux(-se) », que je ne trouve pas particulièrement lisible. L’Académie française n’est d’ailleurs pas très chaude non plus. Malheureusement, elle s’est bien gardée d’exprimer ses recommandations sur la question. Elle s’est contentée d’une « mise en garde » frileuse. Mais le pire dans ce débat houleux qui pourrait vous coûter des ami(e)s, c’est le choix du point médian pour écrire des « député·e·s faignant·e·s et trop payé·e·s ».
Le point du milieu ?
Mais pourquoi ce point-là, qui n’est pas sur le clavier et qui nécessite une combinaison de touches terrifiante ? La tendinite nous menace, hommes et femmes confondus ! Évidemment, si vous avez un Mac, le raccourci est plus simple. Du coup, on peut se demander si l’écriture inclusive n’est pas le fruit des lobbys anti-Microsoft. Un tout autre sujet. Bref, faute de goût en matière de point qui en plus se confond comme deux gouttes d’eau avec l’espace classique si les marques de mise en forme sont affichées. Si par exemple vous êtes traducteur (ou traductrice) et que vous traquez l’espace insécable de l’espace classique. Alors, je veux bien être open·e open sur la question, qui est au demeurant très intéressante et vaut sans doute qu’on prenne le temps d’en parler, mais prenez un autre signe de ponctuation (qui est déjà sur nos claviers !) On expérimente ? Allez, c’est parti :
Des directeur:trices dépassé:es
Des directeur?trices dépassé?es
Des directeur$trices dépassé$es
Des directeur*trices dépassé*es
Des directeur°trices dépassé°es
Des directeur§trices dépassé§es
Des directeur=trices dépassé=es
Des directeur%trices dépassé%es
Mouais, ça ressemble quand même vachement·taureaument à du grand n’importe quoi. On se porte mieux sans, non ?
La féminisation des noms de métiers
Toujours d’un point de vue personnel (c’est mon blog, je fais ce que je veux), je trouve que le féminin dans la langue française est bien plus mis à mal dans les noms de métiers. Les accords des adjectifs ne sont pas responsables du plafond de verre, mais hésiter sur le féminin d’ambassadeur, chef ou auteur alors que le féminin d’homme de ménage, infirmier ou coiffeur est parfaitement évident, je trouve cela beaucoup plus révélateur et, pour le coup, plus pertinent. Tandis que le Québec a une liste toute simple et on n’en parle plus (http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=2&t1=&id=1905), l’Académie française a attendu 2019 (au secours !) pour se prononcer.
Enfin, se prononcer, pas à voix haute non plus. Ainsi a-t-elle répertorié la chef, la cheffe, la chèfe, la chève ou encore la cheffesse ou la cheftaine, mais elle n’a pas su quelle forme retenir :
La féminisation des noms de métiers et de fonctions se développant dans l’usage, comme l’a constaté le rapport de l’Académie française rendu public le 1er mars 2019, il est à noter que les formes féminines chef ou, moins bien, cheffe se rencontrent également.
Chercher « cheffe » sur le site, vous tomberez sur une tout autre page…
On a encore du pain sur la planche et ce point du milieu ne touche pas le cœur du problème.
Et quand on traduit ?
En tant que traducteur, je suis bien obligé de prendre en compte le débat et d’y réfléchir quand je rends en français une phrase candidate à l’écriture inclusive. Une collègue m’a dit ignorer le point médian tant que l’Académie française ne l’exige pas. Je ne suis pas friand de toutes les recommandations de l’Académie, mais s‘y fier est une ligne de conduite sûre et un choix plutôt imparable. Au final, chacun fait comme il l’entend. Spontanément, je ne me lance pas dans une écriture inclusive qui est un exercice assez casse-gueule tant que ses règles ne sont pas bien établies. Je ne la trouve d’ailleurs ni esthétique ni pragmatique. Je m’y plie parfois si le guide de style d’un client ou d’une agence le requiert. Là encore, il y a ceux qui veulent des parenthèses, ceux qui veulent le point médian et ceux qui n’ont pas pensé à expliciter quelle écriture inclusive ils ou elles veulent…